Alors que l’alimentation joue un rôle essentiel en cas de maladie, ce domaine fait l’objet de diverses croyances et de connaissances mal maîtrisées. Il faut par ailleurs savoir que les règles ne sont pas les mêmes en nutrition préventive ou curative. Soigner un cancer peut exiger de renoncer à certains principes qu’on s’était donnés. Faut-il continuer d’éviter le sucre lorsqu’on suit un traitement ? Les aliments bio sont-ils d’un bénéfice avéré ? Diététicienne responsable à la Clinique de La Source, Emilie Malembe propose quelques pistes.
1. GARE À LA DÉNUTRITION PROGRESSIVE
Des aphtes douloureux, la bouche qui devient sèche, des aliments qui provoquent la nausée : « Les effets secondaires des traitements peuvent entraver la prise alimentaire », dit Emilie Malembe. « Il arrive aussi que le goût de certains aliments change. » Les personnes qui souffrent de ces symptômes peuvent alors glisser, sans s’en rendre compte, vers une dénutrition qui favorise infections, complications et perte musculaire. Cette dernière mène à des risques de déséquilibre et de chute, en particulier chez les personnes âgées.
Face à un phénomène « assez courant », la diététicienne tient un discours simple : « Quand on souffre d’un cancer, le plus important est de manger en quantité suffisante. » Pour éviter la nausée, on peut limiter les odeurs en cuisant une viande au four plutôt qu’à la poêle. En cas d’aphtes, mixer les aliments et privilégier les mets froids. Et lorsqu’on prend conscience d’une dénutrition, enrichir ses plats de crème ou multiplier les petits repas dans la journée. Ce n’est en tout cas pas le moment de se priver de tel ou tel aliment qui a la réputation de favoriser le cancer : « Aucune étude ne prouve qu’arrêter le sucre blanc va permettre d’éradiquer la maladie », dit Emilie Malembe. En revanche, suivre un régime sans sucre peut conduire à la dénutrition : « Si c’est la forêt-noire qu’on arrive à manger, mieux vaut avaler ça que de se dénutrir. » Et peu importent les problèmes de poids : « Il arrive qu’une personne apprécie de voir son poids diminuer, alors qu’elle est en train de se dénutrir », souligne Emilie Malembe, qui insiste : « Lorsqu’on est malade, l’important est de garder un poids stable. »
2. FARINEUX ET PROTÉINES AVANT LES LÉGUMES
De la règle émise plus haut – « L’essentiel est de manger en bonne quantité » – il ne faudrait pas déduire qu’il est bon de ne s’alimenter que de gâteaux. Emilie Malembe rappelle un autre principe tout aussi important : « ll faut manger de façon équilibrée. » Ce qui veut dire absorber des protéines, des graisses et des glucides. Pour soigner les personnes dénutries, La Source leur propose en majorité des protéines et des farineux. Les premières nourrissent la masse musculaire, les seconds apportent de l’énergie : « Le mieux est de commencer son repas par les glucides tels que les pâtes, le riz, les pommes de terre, les flocons d’avoine ou le quinoa. » Les protéines, viandes et poissons, mais aussi les oeufs ou le tofu, viennent en deuxième position. Les légumineuses ont l’avantage de contenir à la fois protéines et glucides, mais pour avoir un ensemble de protéines complet, il faut les mélanger à un farineux tel que le riz ou le couscous. Quant aux légumes, on peut les garder « pour la fin du repas ».
3. S’INFORMER AUPRÈS DE SOURCES ET DE PERSONNES FIABLES
Que ce soit dans des livres, sur internet ou par le biais de l’IA, tout le monde a aujourd’hui accès à beaucoup d’informations relatives à l’alimentation. Malgré tout, nombre de contre-vérités ont la peau dure. On pense que les personnes âgées ont besoin de moins de protéines ; c’est pourtant le contraire : « Un adulte a besoin d’environ 0,8 gramme de protéines par kilo corporel. Mais après 65 ans, à cause de la perte musculaire naturelle, le besoin peut se situer au-dessus de 1 gramme. » On croit aussi que les aliments bio sont meilleurs pour la santé, mais leur bénéfice pour la maladie n’est pas prouvé. On peut aussi se tromper avec certaines boissons protéinées que l’on trouve au supermarché, mais qui n’apportent pas toute la supplémentation nécessaire.
Si l’on veut tabler sur une information sûre, le mieux consiste à se tourner vers des sources agréées. Sur internet, le site de la Société suisse de nutrition est une source fiable. Dans le domaine médical, le médecin traitant fait partie des premières personnes auprès de qui vérifier des informations ; il ne faut cependant pas hésiter à consulter une diététicienne, dont les consultations sont remboursées. Attention cependant à ne pas confondre ce métier avec celui de nutritionniste. Tandis que les premières n’exercent qu’après une formation reconnue, les seconds peuvent se nommer nutritionnistes sans formation particulière. En savoir plus.
Propos recueillis par Pierre-Louis Chantre
Crédit photo : Anne-Laure Lechat
