Après la fin des traitements aigus, le retour au travail est souvent une étape délicate pour toutes celles et ceux qui ont souffert d’un cancer, les effets secondaires de la maladie ou des traitements n’étant pas forcément compatibles avec les exigences et les rigueurs de son emploi. Coach en reprise du travail, Yasmina Schmidt connaît bien les difficultés auxquelles sont confrontés les gens qu’elle conseille, car, si elle travaille pour la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC) depuis 2005, elle s’est spécialisée sur cet aspect de la maladie depuis 2018.
« Se maintenir à son emploi ou revenir au travail constituent des étapes importantes et délicates », souligne Yasmina Schmidt. C’est pourquoi nous proposons une consultation de jobcoaching, soit un accompagnement personnalisé et des conseils pratiques sur lesquels peuvent également s’appuyer les employeurs concernés. » Toute personne atteinte d’un cancer dans le canton de Vaud peut faire appel à cet appui ; il faut cependant préciser qu’il se distingue du soutien administratif, toutes les questions touchant aux assurances perte de gain ou invalidité, étant, elles, assurées par le service social et juridique de la LVC.
LE CANCER ET LE TRAVAIL, DES QUESTIONS EN CASCADE
Yasmina Schmidt aborde toutes les questions liées directement à l’emploi : vais-je être capable de reprendre mon job ? Quelles tâches vais-je pouvoir faire ? Comment vais-je mener à bien mon entretien avec mon employeur ? Il y a un trou dans mon CV, comment puis-je en parler ? Mais également des questions plus profondes comme retrouver du sens dans son travail, reprendre confiance en soi, se recréer : « Comment me retrouver, comment faire avec la dissonance entre celle ou celui que j’étais et qui je suis devenu ? Si j’ai une mauvaise image de moi-même et de mon corps, je me sens mal, ce qui aura forcément des répercussions sur mon travail. »
Autant de questions et de situations auxquelles Yasmina Schmidt est confrontée au quotidien : « Si certaines personnes peuvent se suffire d’un ou deux entretiens, d’autres situations peuvent s’avérer plus complexes. Nous travaillons avec l’Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud, notamment pour celles et ceux qui nécessitent plus de suivi pour les accompagner dans la reprise progressive du travail jusqu’à retrouver un poste complet ou avec un pourcentage inférieur si les séquelles sont encore importantes. »
TOUT UN ÉVENTAIL D’EFFETS SECONDAIRES
À la fin des traitements aigus, quand le médecin annonce que « tout va bien » et qu’il faut désormais songer à retourner au travail, les personnes sont souvent démunies : « Même si elles ont envie de reprendre une vie « normale », elles ne se sentent pas forcément bien. Elles sont souvent dans une phase où elles sortent de l’urgence et commencent à réaliser qu’elles ont frôlé la mort.
Alors qu’elles ont enfin le temps de souffler, elles doivent déjà penser à repartir vers un nouveau défi. » De même, de nombreux patients vont continuer à prendre des traitements comme l’immunothérapie, qui implique des rendez-vous médicaux réguliers, ou l’hormonothérapie, souvent accompagnée d’effets secondaires massifs : « Et ce n’est qu’un éventail des difficultés que l’on peut rencontrer au quotidien dans cette phase de retour à la vie. Au début, les collègues et l’employeur sont bienveillants, ne mettent pas la pression, mais au bout d’une année, ils peuvent finir par perdre patience, ne comprenant pas forcément les réelles conséquences des traitements. »
AVOIR LA CONFIANCE EN SOI COMME DE SON CORPS
Pour aider les patients, Yasmina Schmidt fait appel à toute une gamme d’outils qu’elle a engrangés au long de sa riche carrière, comme la sociologie, la gestalt-thérapie, l’EFT (Technique de libération émotionnelle), l’hypnose et tous ceux permettant de renforcer l’estime et la confiance en soi comme de son corps.
Pour elle, il est essentiel que les gens puissent choisir des actes concrets dans leur travail sur lesquels ils veulent changer leur attitude : ne pas se sentir le besoin de toujours se justifier, quitter son poste de travail sans que tout ne soit rangé au cordeau, être capable de demander de l’aide, oser dire non. « Tout au long du processus, nous allons pouvoir discuter de ces changements de comportement, analyser ce qui, le cas échéant, n’a pas marché et recommencer jusqu’à ce que de nouvelles attitudes puissent s’installer. »
UN TRAVAIL PRENANT ET ENGAGEANT
Il y aurait encore tant à dire sur les différents aspects du jobcoaching, comme sur les nouvelles aspirations professionnelles des personnes sorties de la maladie : « Dans la tête des gens, tout est parfois confus. À nous de les aider à trouver le meilleur chemin pour y arriver dans les meilleures conditions possibles. »
Yasmina Schmidt rencontre une centaine de patients par an. « C’est un travail très prenant. Vivre avec les patients, leurs espoirs, mais également leurs déceptions. C’est dur aussi de voir parfois des gens licenciés. Mais ce sont de très belles rencontres avec des personnes qui se remettent en question et s’autorisent à voir et vivre la vie autrement. Elles ont souvent beaucoup de force et de courage, et ces rencontres sont nourrissantes et inspirantes. Et quel plaisir d’aider une personne à reprendre une vie active. »
« MAINTENANT, ILS SE LAISSENT ÊTRE ! »
« Cela demande bien entendu une bonne hygiène de vie », souligne Yasmina Schmidt qui pratique la randonnée et la méditation, mais aussi le « travail au sol » avec des chevaux… qui sont « de puissants miroirs de nous-mêmes et d’excellents thérapeutes. »
Mais avant tout, Yasmina Schmidt constate que chez bon nombre de personnes, le cancer a mis en exergue la vie, décuplant leur envie de profiter de tout et de chaque seconde. Comme elle le résume si bien : « Maintenant, ils se laissent être ! »
Daniel Abimi
Crédit photo : philippegetaz.ch