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Ligue vaudoise contre le cancerQui sommes-nous?Notre journalQuand le cancer bouscule la sexualité

Quand le cancer bouscule la sexualité

Voilà plus de 30 ans que Patrizia Anex exerce comme psychothérapeute et sexologue. Dans son cabinet à Orbe, elle a créé un véritable cocon pour accueillir ses patients et les accompagner dans l’exploration de leur sexualité. Une sexualité que le cancer met à mal, et souvent de manière durable. Mais il existe de nombreuses pistes pour se réapproprier son corps, son désir et ses sensations. C’est ce que Patrizia Anex, ancienne collaboratrice de la Ligue vaudoise contre le cancer (LVC), propose aux personnes qu’elle accompagne. Avec bienveillance et douceur.

Impossible d’imaginer l’oasis de sérénité dans laquelle Patrizia Anex reçoit ses patients. Tout est fait pour se sentir à l’aise dans ce lieu où l’on aborde un sujet encore tabou : la sexualité. Car comme le mentionne en préambule la sexologue, « on n’en parle pas vraiment, de la sexualité humaine. On ne vous explique pas comment fonctionnent le plaisir et le désir. On ne vous dit pas ce qui se passe au niveau du corps et du cerveau, sur le plan physiologique, et comment chaque être humain construit sa sexualité là-autour, à sa façon. On ne vous dit pas comment je peux jouer avec mon plaisir, mon désir, mon excitation sexuelle, mes fantasmes et mes pensées. » Et ce tabou s’amplifie lorsque survient un cancer.

ABORDER LE SUJET DÈS LE DÉBUT

Penser à sa sexualité quand on est face à un diagnostic de cancer semble dérisoire voire inadéquat. Patrizia Anex insiste pourtant sur l’intérêt d’évoquer ce sujet dès le début. « En demandant aux médecins si votre sexualité va être impactée par la maladie et les traitements, vous les rendez attentifs au fait que c’est important pour vous. Ils vont donc faire attention à préserver au maximum votre fonction d’excitation sexuelle. Parfois, ça change même leur protocole chirurgical. »

La sexualité fait partie intégrante de la vie ; elle est « aussi importante que la nutrition ou la fonction digestive », souligne la sexologue. L’activité sexuelle produit des endorphines, hormones dont la science a prouvé qu’elles rendent plus jeune et aident à surmonter les obstacles de la vie. Pour une majorité de personnes, la sexualité crée un élan de vie très fort. C’est en sens qu’elle peut aider à faire face à la maladie. C’est pourquoi Patrizia Anex insiste : « Il ne faut pas avoir honte de penser au sexe alors qu’on a un cancer, c’est tout à fait légitime. »

UN AUTRE VISAGE DE LA SEXUALITÉ

Le cancer a toujours des répercussions sur la sexualité, car il est synonyme de fatigue, de changements morphologiques et hormonaux. Il impacte l’énergie de vie. Et quand la maladie s’en prend directement aux zones sexuelles, les sensations, le désir et la fonction d’excitation s’en trouvent modifiés voire disparaissent. Comment faire alors ? « Il s’agit de faire renaître ailleurs dans le corps des sensations qui n’existent plus, se demander lesquelles on retrouve et comment vivre sa sexualité avec cette nouvelle donne. La sexualité, ça n’est pas seulement quelques actes, comme la pénétration, mais c’est tout le corps qui y participe. Et il y a 1000 expérimentations à faire ! La sexualité étant un apprentissage, je peux trouver d’autres moyens pour continuer à me donner du plaisir et à créer du désir, à avoir des fantasmes et des sensations. »

La sexologue ne minimise pas la douleur immense que représente la perte (potentielle) de sa fonction sexuelle. C’est pourquoi elle propose à ses patients un travail préparatoire en amont de l’intervention, afin de commencer le travail de deuil et d’élargir un peu la sexualité. Il s’agit aussi d’explorer une sexualité beaucoup plus douce, compatible avec les effets des traitements anti-cancer. Pour la sexologue, se coucher nus l’un contre l’autre et se caresser, c’est déjà de la sexualité. « Car l’intention de nos caresses, c’est d’être ensemble, de fusionner, de s’aimer, de ‹ se tendresser ›. C’est cette création d’intimité qui est importante. » Et non l’orgasme à tout prix comme le dicte la société. Cette épreuve est donc aussi une opportunité de découvrir un autre visage de la sexualité.

IMPORTANCE DE L’ENTOURAGE

Au-delà des aspects physiologiques, le cancer vient bousculer l’estime de soi. Comment s’accepter avec son nouveau corps, ses nouvelles sensations ? Comment se regarder dans le miroir et continuer à s’aimer, aimer son corps et penser qu’on reste désirable ? En plus du soutien qu’apporte le travail en sexologie, l’entourage joue un rôle majeur. Amis, famille, partenaires, tous peuvent contribuer à valoriser la personne malade, en montrant leur ouverture à parler de ce que ressent la personne. « Il ne faut pas avoir de tabou dans la discussion, mais se mettre à la place de l’autre, poser des questions et se montrer curieux de ce que vit l’autre.  toujours avec amour, bienveillance et délicatesse. » Trois mots-clés essentiels pour Patrizia Anex.

SE RÉAPPROPRIER SON CORPS

Pour le couple, ouvrir le dialogue autour de la sexualité, de l’intimité et du corps devient nécessaire. Parler des changements physiologiques et sensoriels, de ses désirs, de ses craintes réciproques, d’une éventuelle répulsion liée à la peur que l’autre meure, est primordial pour traverser cette épreuve. À deux on est plus fort, déclare Patrizia Anex. Et d’évoquer ces couples qui, sachant que l’un va perdre ses cheveux, se les rasent ensemble. « Tous les deux se retrouvent dans le même état. C’est une façon d’accompagner, c’est un partage d’intimité donc c’est de la sexualité. » Il faut aussi beaucoup verbaliser, car « il y a des mots qui doivent être posés, alors qu’on ne l’a peut-être jamais fait auparavant ». C’est valable également si l’on rencontre un nouveau partenaire, pour pouvoir lui expliquer les éventuelles difficultés liées à sa sexualité. Et si l’on n’a pas de relations sexuelles actuellement ? La réponse fuse : « Ça reste important. On va beaucoup utiliser la masturbation, qui est un bon exutoire de tension. Elle permet en plus de vérifier, en toute sécurité, comment va mon corps et quelles sont les difficultés. » De manière générale, la sexualité permet de se réapproprier le pouvoir sur son corps, que les examens et les traitements ont mis à nu et à mal. Et renouer avec ce pouvoir contribue à retrouver confiance en son corps et estime de soi. Malgré les bouleversements.

Texte par Christine Theumann-Monnier

 

Crédit photo © Philippe Gétaz