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Ligue vaudoise contre le cancerQui sommes-nous?Notre journal"Au bord de l'épuisement, je me suis fait aider"

"Au bord de l'épuisement, je me suis fait aider"

Céline Beaurain-Casémi : « Il est important que les proches aidants trouvent le moyen de se ressourcer, quel qu’il soit. »

Les proches aidants sont d’un soutien précieux pour les personnes atteintes dans leur santé. Mais gare au surmenage qui, souvent, les guette. Céline Beaurain-Casémi, confrontée à la maladie de ses parents, en témoigne. Interview.

VOUS AVEZ ACCOMPAGNÉ DURANT PRÈS DE DEUX ANS VOTRE MÈRE, DÉCÉDÉE D’UNE TUMEUR CÉRÉBRALE FIN 2015. COMMENT VOUS SENTEZ-VOUS AUJOURD’HUI ?
Je reste vivement émue à l’évocation de ma mère. Nous étions très proches, fusionnelles même. Je suis heureuse d’avoir su profiter des moments que nous avons partagés quand elle était encore là, mais tout n’est pas allé de soi. Un profond sentiment d’injustice m’animait : pourquoi ce cancer était-il tombé sur ma mère, personne si généreuse ? Très attachée à elle et de nature optimiste, je réalise maintenant que je suis longtemps restée dans le déni, refusant d’accepter le pronostic médical. Je voulais croire que ma mère pourrait faire partie des miraculés qui, envers et contre tout, vivent encore de nombreuses années. Elle parlait ouvertement de sa disparition, évoquant son enterrement et sa succession, mais il m’était pénible d’aller sur ce terrain-là. Puis j’ai fini, tout de même, par admettre la maladie.

COMMENT AVEZ-VOUS ENTOURÉ VOTRE MÈRE, SACHANT QUE DE NOMBREUX KILOMÈTRES VOUS SÉPARAIENT ?
Ma mère habitait en France avec son compagnon. Agé de nonante ans, il lui apportait un soutien dans la mesure de ce que ses forces lui autorisaient. Lausannoise d’adoption, j’allais donc la trouver tous les quinze jours et, le reste du temps, étais en contact quotidien avec elle par téléphone et SMS. La culpabilité de ne pas pouvoir être physiquement auprès d’elle me rongeait. Aussi, j’ai fait le lien avec ses amis quand elle a dû être hospitalisée, organisant un planning de visites pour qu’elle soit bien entourée. Je lui ai également proposé des médecines complémentaires qui l’ont soulagée sur les plans physique et émotionnel. Reste que je me suis souvent sentie démunie, impuissante – sentiments encore renforcés par l’éloignement géographique. Mon frère, qui n’a pas quitté la France, a été d’un énorme soutien pour ma mère et moi.

LE CANCER MODIFIE LES RÔLES TENUS PAR LES UNS ET LES AUTRES AU SEIN D’UNE FAMILLE. UN CAP DIFFICILE À FRANCHIR ?
Oui, surtout pour ma mère, qui ne voulait pas devenir un poids pour ses proches. Elle n’a par exemple pas souhaité que je déménage temporairement en France pour venir la soutenir le temps de sa maladie.

COMMENT TROUVER LES MOTS JUSTES QUAND ON ACCOMPAGNE UN PROCHE ?
Il faut accepter les émotions de l’autre, qu’il s’agisse de peur, d’interrogations ou d’envies. Les conseils stéréotypés du style « ne t’inquiète pas, tout va bien aller » empêchent un réel dialogue. Le malade ne se sent pas écouté.

QUELLES SONT LES RESSOURCES DANS LESQUELLES VOUS AVEZ PUISÉ POUR FAIRE FACE À CETTE ÉPREUVE ?
Je me suis fait aider, car j’étais au bord de l’épuisement émotionnel. A force de jongler entre le travail, ma famille et le cancer de ma mère, j’étais à fleur de peau et devais me contenir pour ne pas pleurer devant mes enfants. Je ne voyais plus mes amis car toutes mes forces étaient engagées ailleurs. Est arrivé le moment où j’ai senti que je devais moi-même obtenir du soutien, sous peine de craquer. Si on s’épuise, on ne peut plus aider l’autre.

QUELLES DÉMARCHES AVEZ-VOUS ENTREPRISES ?
J’ai rencontré différents thérapeutes, ce qui m’a permis d’extérioriser ma tristesse, accueillir mes pleurs et me ressourcer. Je me suis également initiée à l’auto-hypnose. Ces moments – les seuls que je prenais pour moi – ont été salutaires. Durant les derniers mois de sa vie, ma mère ne pouvait plus parler. Il est si difficile de voir un proche perdre ses forces qu’il faut en avoir soi-même, de la force, pour faire face à la situation. Je ne saurais assez le répéter : les proches aidants ne devraient pas hésiter à demander du soutien, quel qu’il soit.

L’ANNÉE PASSÉE, NOUVEAU CHOC : VOUS APPRENEZ QUE VOTRE PÈRE EST ATTEINT D’UN CANCER DU PANCRÉAS…
Je suis aussi présente pour lui. Il réagit très différemment de ma mère et, contrairement à elle, communique peu. Là aussi, nous profitons pleinement des instants que nous partageons. Fort heureusement, son pronostic médical est bien meilleur que ne l’était celui de ma mère. Et mon père est très content de me sentir enfin heureuse, il peut ainsi affronter sa maladie avec une certaine sérénité.

ENFIN HEUREUSE, VOUS NE L’ÉTIEZ PAS AVANT ?
Avec la maladie de ma mère, j’ai réalisé que la vie, fragile, pouvait basculer en tout temps. C’est peut-être le seul « bénéfice secondaire » de son cancer : un changement s’est opéré en moi, qui m’a permis de me séparer de mon conjoint et d’emprunter mon propre chemin. Me savoir épanouie, ma mère et mon père l’ont toujours voulu. Quand nos proches sont assurés que nous allons bien, c’est une source d’inquiétude en moins pour affronter leur futur aux contours incertains.

Propos recueillis par Béatrice Tille