Avant de parler de la prévention contre le cancer de la peau, commençons par le commencement : « Première chose à comprendre, la peau est un tissu composé de différents types de cellules », expose Olivier Gaide. Et chacun de ces groupes de cellules peut développer différents types de cancer. » C’est ce qui explique la grande variété de cancers de la peau auxquels nous sommes confrontés. Les plus fréquents sont les carcinomes, qui se soignent facilement. Plus rares, les mélanomes sont beaucoup plus dangereux parce qu’ils développent très rapidement des métastases. « Principalement localisés sur la peau, les carcinomes sont faciles à traiter pour autant qu’on ne les laisse pas se développer. En effet, en grossissant, ils finissent par avoir un effet destructeur local très important, voire peuvent générer des métastases qui vont se diffuser dans le reste du corps : leur traitement devient alors aussi difficile que s’il s’agissait d’un mélanome. La médecine ayant fait d’énormes progrès, les traitements sont devenus très efficaces, mais c’est encore mieux de ne pas devoir en passer par là », précise Olivier Gaide qui rappelle qu’en 2019, on enregistrait en Suisse quelque 2900 personnes souffrant de mélanomes, dont 260 sont décédées.
PAS QUE SOUS LE SOLEIL EXACTEMENT
Pour ce qui est des causes, elles sont nombreuses. Si pour Olivier Gaide, les carcinomes et les mélanomes sont clairement influencés par le soleil, cela ne veut pas dire qu’il est seul coupable. On sait désormais qu’il existe plusieurs facteurs de risque : génétiques, environnementaux et chimiques – l'arsenic, par exemple, est un inducteur du cancer de la peau. Ce dernier est également lié au vieillissement cutané : « Le simple fait d'avoir des cellules qui se divisent est un facteur de risque pour développer des cancers. » Et puis, il reste le hasard.
AGIR LÀ OÙ L’ON PEUT
Olivier Gaide en est convaincu, rien ne vaut la prévention : « Si je dois développer un cancer de la peau, autant qu’il survienne le plus tard possible et qu’il soit le plus petit possible, pour qu’il se soigne facilement. Pour ce faire, il faut diminuer les facteurs de risque. Le hasard, la génétique et le vieillissement, on ne peut pas les changer. Quant à l’exposition à l’arsenic, elle est presque nulle depuis son interdiction dans la viticulture. » Reste le soleil. Comme c’est le seul facteur sur lequel on peut vraiment agir, il faut concentrer la prévention sur cet axe : « Il est important que les gens comprennent qu’une consommation modérée du soleil diminue tout simplement les risques de cancers de la peau. » Il ne s’agit bien sûr pas d’échapper totalement au soleil et ses bienfaits, notamment en apport de vitamine D. « Il suffit juste d’éviter de s’exposer aux heures les plus chaudes de la journée : préférer rester à l’intérieur d’un bâtiment, sinon essayer de privilégier l'ombre, se couvrir le corps et la tête, sans oublier de porter des lunettes de soleil. Et si des zones restent exposées, comme le visage par exemple, mettre de la crème solaire. »
LA CRÈME SOLAIRE : PRODUIT MIRACLE ?
Mais pour le professeur Gaide, il est évident que la crème solaire ne peut être qu’un appoint. Une nuance de taille que le grand public a parfois de la peine à saisir, tant la publicité tend à la présenter comme un produit miracle permettant de bronzer au soleil de midi sur une plage de Marbella ou la terrasse d’un restaurant d’altitude. « Il y a une bonne manière d’appréhender la crème solaire lorsqu’on se dit : en m’enduisant de crème, je diminue simplement le risque ; la mauvaise manière consiste à penser : puisque j'ai mis de la crème, je peux désormais faire n’importe quoi. Le message n’est pas vraiment le même. Et nous devons parfois nous battre contre cette idée simpliste et réductrice. »
DIAGNOSTIC PRÉCOCE ÉGALE CANCER MOINS FÉROCE
Au-delà de la question de la crème solaire, Olivier Gaide tient à souligner un point important en matière de prévention : « Chaque personne est son propre expert : celui qui pourra déceler un changement inhabituel sur sa peau comme un grain de beauté, une tache ou une croûte qui grossit, qui se colore ou qui se met à saigner, par exemple. Il ne faut alors pas avoir peur d'aller le montrer à son médecin de famille ou à un dermatologue. Répétons-le, la plupart des cancers de la peau sont faciles à soigner s'ils sont pris de manière précoce. Certains ont peur de déranger, d’autres ont peur du diagnostic. Il faut juste se rappeler que si l’on s’y prend rapidement, ce n'est que rarement une mauvaise nouvelle. »
FAIRE DU SOLEIL UN AMI
Olivier Gaide observe également que l’on oublie souvent les enfants et les adolescents lorsqu’on évoque le cancer de la peau. « On sait que l’impact du soleil est crucial entre zéro et dix-huit ans. Les jeunes sont plus vulnérables aux effets cancérogènes des rayons UV parce que leur peau est plus fine et leur système pigmentaire encore immature. Pour le dire simplement, les coups de soleil de l'enfance font les cancers de la peau de l'adulte. Mais gare aux interdits, tempère le dermatologue du CHUV : « Une fois de plus, la protection contre le soleil est indispensable, il faut donner le goût de l’ombre, mais il ne faut pas pour autant interdire le soleil. Si on empêchait les enfants d'être dehors, on les priverait aussi d’éléments nécessaires à leur croissance et leur santé : le soleil est important pour la vitamine D et les activités physiques au grand air essentielles pour leur bonne oxygénation… Voilà pourquoi il faut être raisonnable et toujours trouver un juste équilibre. »
Daniel Abimi
Crédit photo : César Décoppet – LES BANDITS
