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Être malade du cancer c'est aussi s'appauvrir

Des personnes à revenu modeste témoignent de leur parcours du combattant au plan économique. Confrontées à un refus d’assurance perte de gain (APG) ou d’indemnité chômage, ou à un retard de rente de l’assurance-invalidité (AI), elles tombent rapidement dans la précarité et n’ont plus que l’ultime filet de l'aide sociale ou de la charité pour survivre.

Pour être malade, mieux vaut être riche. Cela est aussi valable en Suisse. En effet, une maladie telle que le cancer n’apporte pas seulement avec elle son lot de souffrances physiques et psychiques. Une autre épreuve, d’ordre matériel, attend souvent les malades : celle de factures de santé qui explosent, et dont seule une partie sera prise en charge par les assurances sociales. Le glissement dans la pauvreté frappe en premier lieu les personnes à revenu modeste. En l’absence d’une épargne suffisante, elles peuvent tomber sous le seuil de pauvreté et dépendre de l’aide sociale et du caritatif, comme en témoignent dans cet article quatre persdonnes basées dans le canton de Vaud.

Julie*, 42 ans, s’est retrouvée « sans rien ». Chômeuse en fin de droit, elle a été diagnostiquée d’un cancer du sein alors qu’elle était sur le point de signer un contrat à durée déterminée (CDD) à 60 %. « J’en ai parlé en toute transparence à mon employeur, avertissant que j’aurai des absences, des traitements, des moments où je ne pourrai pas assurer. » Le CDD n’a pas été reconduit. « Je me suis alors retrouvée sans rien, car je n’avais plus droit au chômage, je n’avais pas assez travaillé pour cela. » Elle n’a pas eu droit à l’assurance-invalidité (AI) non plus : « Il faut avoir une incapacité de travail de plus de 12 mois pour l’obtenir et ce n’est pas mon cas. Je suis censée reprendre le travail cet été. » Julie vient cependant d’être opérée du sein et plusieurs séances de radiothérapie l’attendent. « Je n'ai aucune idée de l’impact des rayons sur ma capacité à travailler, mais j’ai envie et besoin de retravailler. » Ce n’est pas gagné, reconnaît-elle : « J’ai les cheveux courts, je n’ai plus de cils ni de sourcils, alors qu’on est censé se présenter sous son meilleur jour dans les entretiens d’embauche. »

VERS LE CARITATIF ET L'AIDE SOCIALE

En même temps que le chômage et l’AI lui fermaient leurs portes, Julie a vu ses dépenses augmenter. « J’ai eu des chimios à 3000 francs la séance, et comme j’ai dû baisser ma franchise, la prime maladie a explosé. » La Ligue vaudoise contre le cancer (LVC), qui compte sur des donateurs privés, ainsi que la prestation ponctuelle pour familles (ComiPP) du Canton de Vaud, fournissent une aide sociale ponctuelle. « Heureusement que la LVC m’a aidée en me payant de grosses factures », souligne Julie, qui a aussi sollicité les prestations complémentaires pour familles et espère une prise en charge de quelques frais médicaux. « J’ai le sentiment qu’en Suisse, tant que tout va bien, on s'en sort. Mais si un pépin nous tombe dessus, c’est à nous de nous débrouiller. Or, il suffit de trois grosses factures pour siphonner tout ce qu’on a. »

Nathalie*, 51 ans, a bataillé en pleine maladie avec les assurances et les services sociaux. Son diagnostic de cancer du sein est tombé en 2019, alors qu’elle travaillait à 60 %. Puis ce fut l’arrêt maladie, suivi d’une opération mais sans chimiothérapie. À cette époque, son salaire était de 2400 francs ; l’allocation perte de gain en cas de maladie (APG) lui a versé 1900 francs de 2019 à  2022. Mais deux ans après son premier épisode de cancer c’est la rechute. Nathalie doit subir une ablation du sein et enchaîne quatre chimiothérapies préventives. « J’étais très fatiguée et avais besoin d’un mois pour récupérer. » Mais fin juin 2022, son assurance l’avertit qu’elle n’a plus droit à l’APG. Son assureur estime en effet que la rechute fait partie du même épisode qu’en 2019, car il s’agit du même sein. Nathalie pleure à chaudes larmes en évoquant cet épisode. « Comment est-ce possible ? Je n’avais pas de salaire, pas de cheveux. On a dû jongler avec le salaire de mon mari. » Heureusement, son employeur ne l’a pas licenciée, mais lui a donné un poste à 20% dès octobre 2022. » Toutefois, elle n’a  plus eu droit aux cotisations du 2e pilier, son salaire ayant diminué de deux tiers. Quant à l’AI, elle étudie le dossier de Nathalie depuis 2 ans et refuse pour l’instant de lui reconnaître plus de 30 % d’incapacité de travail, alors que la rente s’active à partir d’une invalidité de 40 %. « Mon mari et moi n’arrivons plus à vivre, je ne peux pas me payer un café parce que j’ai été malade. Du jour au lendemain, à cause d’une maladie, on se retrouve démuni. »

LE CANCER, CETTE MALADIE QUI PAUPÉRISE

Robert*, 30 ans, a aussi basculé dans la pauvreté. Il travaillait à 80 % lorsque le diagnostic de cancer est tombé et percevait un salaire brut de 4500 francs. Dès le début, il a été en incapacité complète de travail. Puis, des complications liées à la chimiothérapie l’ont empêché de reprendre le travail. « L’APG m’a maintenu pendant 720 jours. » Malgré une demande à l’AI déposée dans les 6 mois après son incapacité de travail, aucune décision ne lui avait encore été notifiée lorsque les prestations de l’APG ont pris fin. « L’AI a demandé une expertise il y a 10 à 12 mois. Cela fait bientôt 2 ans et demi que j’attends. » Pour lui éviter une mise aux poursuites, la LVC l’a soutenu à hauteur d’environ 8000 francs. Puis l’aide sociale a pris le relais. « Ils me donnent un revenu d’insertion de 1100 francs par mois, mais c’est difficile », explique Robert.

Même quand le cancer n’est pas chronique mais d’origine génétique, qu’il ne nécessite pas de traitements et qu’il a été diagnostiqué très tôt, l’impact financier est là. C’est le cas pour Éléonore*, dont la prime maladie a augmenté de 50 %. « Ma franchise a baissé de 1500 à 300 francs. » En outre, tous les 18  mois, elle doit  passer des tests de dépistage, onéreux et non remboursés. Si elle a eu droit à des APG, c’est parce qu’elle est entrepreneure avec un statut de salariée de coopérative. « J’ai payé les 30 premiers jours d’arrêt de ma poche, puis l’APG a pris le relais. Mais les entrepreneurs ont rarement droit à des indemnités de l’APG. » Sans compter le coût en termes d’opportunités : « Ces mandats que je n’ai pas réalisés, ces clients partis vers d’autres prestataires. » Pour éviter un exode de clients, elle n’a pas dit qu’elle était malade, mais qu’elle serait juste absente pour plus d’un mois. « Cela restait acceptable. »

Myret Zaki

* Prénoms d’emprunt

 

Crédit photo : César Décoppet – LES BANDITS