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Ligue vaudoise contre le cancerQui sommes-nous?Notre journal

Professeure Solange Peters : soigner le cancer en équipe

Diriger l’oncologie médicale au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), présider le Béjart Ballet Lausanne ou encore agir au sein de la Ligue suisse contre le cancer, ses journées sont plutôt bien remplies. Avec pour carburant, un idéal persistant : oeuvrer collectivement pour réussir.

PROFESSEURE SOLANGE PETERS, QUELLES SONT LES RÉCENTES BRÈCHES SCIENTIFIQUES QUI VOUS ENTHOUSIASMENT LE PLUS AUJOURD’HUI ?

Ce qui a beaucoup changé en oncologie, c'est notre niveau de compréhension des mécanismes d’apparition des tumeurs. Par l’identification de ces événements qui mènent au cancer, on arrive à pointer du doigt ce qu'on pourrait appeler les talons d'Achille de la maladie, susceptibles d’être bloqués pour que le cancer n'apparaisse pas, pour qu’il régresse ou pour qu’il soit contrôlé. Dans ce domaine, on doit distinguer deux chapitres : le premier concerne l’incrimination d’altérations génétiques, qui se situent dans les chromosomes de certaines cellules et font que celles-ci oublient de se réguler – notamment d’arrêter de se reproduire – et apprennent à envahir. Ces altérations peuvent dans des cas spécifiques se corriger par les thérapies moléculaires ciblées, sous la forme de médicaments par voie orale, permettant de contourner ainsi la chimiothérapie. C’est l’oncologie de précision. L'autre chapitre est lié à la question de la tolérance du cancer par notre organisme. On a probablement tous en nous, vous et moi, quelques cellules qui dérapent, mais notre système immunitaire les élimine. Alors pourquoi est-ce que notre immunité est parfois défaillante et échoue à cette tâche ? En identifiant ces changements, on peut la rendre à nouveau visible pour le système immunitaire. C’est ce qu'on appelle l'immunothérapie.

POUR UN PATIENT QUI SOUFFRE DE CANCER, LE PARCOURS DE SOINS EST COMPLEXE ET RESSEMBLE SOUVENT À UN PARCOURS DU COMBATTANT. FAIT-ON DES PROGRÈS POUR FACILITER LE PARTENARIAT PATIENT-SOIGNANT ?

À l’avenir, on ne va pas pouvoir simplifier la prise en charge en oncologie, elle tend même plutôt à se compliquer. Ce qu’on peut faire, c’est rendre cette complexité moins perceptible pour le patient. Pour cela, nous misons sur la création de centres où sont réunis tous les spécialistes concernés ; chaque fois qu'une décision doit être prise, elle l’est par tous les acteurs des spécialités ensemble, au sein d’un tumor board (N.D.L.R. « conseil de tumeur »). Le patient n’a donc plus besoin de naviguer d’un médecin à l’autre, avec le risque que ceux-ci se contredisent même parfois. Pour faciliter le parcours de nos patients, on compte dans ces centres sur nos infirmières qui accompagnent le patient, s'il faut trouver son chemin, adresser des questionnements médicaux ou clarifier les interfaces.

Enfin, pour moi, le partenariat public-privé est essentiel. On doit collaborer étroitement entre hôpitaux du canton, et aussi au sein du réseau des médecins de ville, pour que le patient puisse trouver ce dont il a besoin à chaque moment de son histoire. Il y a certainement une série de moments clés où l’hôpital traditionnel n’est plus la meilleure ressource. Avec l’augmentation massive des cas de cancer, on doit vraiment être tous parfaitement connectés, et planifier une décentralisation de soins.

FAUT-IL DÉSORMAIS APPRENDRE À VIVRE AVEC UNE MALADIE ONCOLOGIQUE COMME ON LE FERAIT AVEC UNE MALADIE CHRONIQUE ?

Oui, probablement. Comment faire alors pour survivre au cancer en maintenant une vie de qualité ? Je fais souvent l’exercice avec mes étudiants, je leur demande : « Si je vous dis aujourd’hui : je suis désolée Madame, mais à votre mammographie on a trouvé une lésion, c'est un cancer. Quelle est la toute première pensée qui passe ? Evidemment : la mort. » Pourtant, le cancer du sein se guérit le plus souvent. Tous ceux qui ont vécu l’expérience du cancer ont possiblement eu cette première représentation : cela pourrait être la fin. Alors comment parvenir à se reconstruire sur le long terme ? On est un survivant, mais on est fatigué : physiquement, moralement… Je pense donc qu'il faut offrir un soutien pratique et psychologique à ceux qui ont pensé la vie sous un autre angle. On avance beaucoup moins sur ces questions que sur celles des nouveaux traitements, et il y a finalement peu de financements pour des projets sociétaux et accompagnateurs en lien avec cette question de la survivance. Il en faudrait beaucoup plus.

VOUS ÊTES AUSSI MEMBRE DU COMITÉ DE LA LIGUE SUISSE CONTRE LE CANCER, COMMENT VOYEZ-VOUS LE RÔLE SPÉCIFIQUE DES ASSOCIATIONS CARITATIVES ET EN PARTICULIER CELUI DES LIGUES CANTONALES ?

Ma conviction est qu’il faut accompagner les patients au plus tôt, pour prévenir leur appauvrissement, qui est presque incontournable en raison de la nature de la maladie. Quand on souffre de cancer, on a des droits ! Que ce soit par rapport à l'employeur, aux assurances sociales ou aux caisses de retraite. J'estime également qu'il faut repenser le chapitre de la réhabilitation. Quand nous remplissons des formulaires pour l’assurance-invalidité, la question de la poursuite de la même activité professionnelle est posée. Souvent, c'est non. Un changement professionnel ? Parfois, c'est oui. Il faut savoir revisiter l’accompagnement au long cours des personnes qui survivent du cancer et cela, les ligues savent le faire.

QUEL EST VOTRE PLUS GRANDE ATTENTE POUR L’AVENIR ?

Mon rêve est bien sûr d'avoir plus de traitements efficaces, mais également qu'on sache aujourd'hui se poser la question de la durabilité et de l’équité de notre activité. On ne doit pas développer des médicaments pour une minorité de patients, mais bien afin que tous ceux qui en ont besoin puissent en bénéficier. On doit trouver des modèles où le prix du médicament est juste et où un système de remboursement est égalitaire et évite tout préjudice pour le patient. Mais c’est une question politique. J’aimerais voir plus de médecins en politique… Il faut qu'on arrive à démocratiser les fruits de la science et cela nécessite un engagement de tous.

Propos recueillis par Darcy Christen

Crédit photo : philippegetaz.ch