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Ligue vaudoise contre le cancerQui sommes-nous?Notre journal"La finalité, c'est le patient"

"La finalité, c'est le patient"

Pour Catherine Labouchère, présidente de la fondation ISREC, l’innovation doit être profitable au patient, qui devient un réel partenaire des chercheurs.

Trois cents spécialistes de la recherche sur le cancer unissent désormais leurs forces dans un nouveau pôle de compétences : le centre AGORA, situé à deux pas du CHUV, à Lausanne. Le but : développer de nouvelles thérapies au service direct du malade. Rencontre avec Catherine Labouchère, présidente de la Fondation ISREC, maître d’ouvrage du centre.

AGORA, UN NOM PRÉDESTINÉ POUR CE PÔLE RASSEMBLEUR ?
Oui, ce nom symbolique, qui perdure depuis l’Antiquité grecque, s’est imposé tout naturellement lorsque nous avons commencé à réfléchir à ce projet il y a une dizaine d’années. Pour la Fondation ISREC (qui a créé l’Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer, rattaché à l’EPFL, ndlr), il est capital que le pôle AGORA soit le lieu où on échange, on discute, on partage.

MÉDECINS, BIOLOGISTES, GÉNÉTICIENS, IMMUNOLOGISTES : LE CENTRE FÉDÈRE DE MULTIPLES COMPÉTENCES…
La multidisciplinarité est importante. En réunissant des équipes de chercheurs répartis jusqu’ici dans diverses institutions, nous favorisons l’interaction. En matière de recherche fondamentale, c’est extrêmement productif. L’oeil externe et la confrontation de plusieurs spécialités font que tout à coup, on trouve. Henri Poincaré disait : « C’est avec la logique que nous prouvons et avec l’intuition que nous trouvons. » Cette intuition vient aussi de la confrontation des regards, des expériences. L’émulation qu’offrent ces locaux, où les conditions de travail sont idéales, permet cette interaction. Si la Fondation ISREC, qui fête ses 55 ans cette année, a pu perdurer, c’est qu’elle a toujours encouragé la curiosité envers la nouveauté. Avec un élément essentiel, et j’y tiens tout particulièrement : l’innovation doit être profitable aux malades.

LE PATIENT BÉNÉFICIERA DONC DIRECTEMENT DE CES EFFORTS ?
Ils lui sont entièrement destinés. Notre mission est de favoriser une recherche de très haute qualité. Et nous le faisons parce que les découvertes auront des implications directes pour les personnes atteintes de cancer. C’est le coeur de notre action. Si on se contente de le dire, cela ne sert à rien. Concrètement, nous pensons que ce bâtiment sera emblématique de ce point de vue.

COMMENT LE PATIENT SERA-T-IL ASSOCIÉÀ LA DÉMARCHE ?
Nous allons organiser des rencontres entre malades et chercheurs. Le patient doit être un partenaire. Le but n’est pas que l’on trouve des traitements qui pourront le guérir, mais qu’il n’acceptera pas. Si des thérapies sont tellement pénibles qu’il les refuse, on n’aura rien gagné du tout. Il faut faire prendre conscience aux chercheurs de la finalité, qui est le patient. Ce que les scientifiques découvrent, il doit pouvoir l’accepter complètement. Et c’est beaucoup plus facile à proximité d’un hôpital. C’est aussi pour cela que nous avons beaucoup travaillé sur l’ambiance des locaux. Les médecins vont se retrouver à la cafétéria, échanger, tout cela sera très interactif.

QU’ENTEND-ON PAR RECHERCHE TRANSLATIONNELLE, NOTION MISE EN AVANT PAR LE CENTRE AGORA ?
C’est celle qui va de l’éprouvette au lit du malade. On doit cette vision tout à fait novatrice au fondateur de l’ISREC, le Professeur Henri Isliker. À l’époque, dans les années 1960, les chercheurs ne quittaient pas leur tour d’ivoire. Les choses ont complètement changé. Aujourd’hui, le patient est partenaire. C’est parfaitement logique et c’est l’approche que nous voulons privilégier.

QUELLE PLACE LE PÔLE AGORA ACCORDE-T-IL AU PUBLIC ?
Nous organisons de nombreuses conférences liées à la thématique du cancer à l’auditoire Paternot, qui offre 250 places. C’est l’occasion pour le grand public de découvrir le lieu, d’entendre des professionnels de haut niveau.

LA RECHERCHE TIENT-ELLE COMPTE DES CONSÉQUENCES SOCIALES DE LA MALADIE ?
Régulièrement, j’ai des contacts avec la Ligue vaudoise contre le cancer, ainsi qu’avec d’autres associations. Chacun dans notre domaine, nous mettons tout en oeuvre pour le malade et sa famille. L’interaction patient-chercheur existe encore peu. Nous tenons à ce que les scientifiques comprennent que le but est de savoir comment le patient va ressentir le nouveau traitement découvert. Pour un chercheur, cela reste très théorique. Et nous, nous aimerions que cela soit plus pratique.

LA SUISSE PROFITERA-T-ELLE DES DÉCOUVERTES DE CE FLEURON LAUSANNOIS ?
La science n’a pas de frontières. Je suis assez fière d’avoir pu conclure un accord avec les Genevois. Il était complètement absurde de disperser des moyens financiers considérables sur différents sites de l’Arc lémanique : la science médicale ici, la recherche biologique là et la technologie ailleurs. Maintenant, tout le monde travaille ensemble. Et grâce à la présence au sein de notre Conseil scientifique de plusieurs professeurs alémaniques et étrangers, nous allons partager ces recherches de pointe dans toute la Suisse, mais aussi en France par exemple.

QU’EN EST-IL DU COÛT DES TRAITEMENTS ET DE L’ACCÈS AUX SOINS ?
La médecine personnalisée, les nouvelles thérapies coûtent extrêmement cher au début parce qu’il faut des années pour les développer. Notre espoir est que cela se passe comme avec le génome : il était très onéreux dans un premier temps, mais les techniques de thérapie génique deviennent maintenant très accessibles. Donc si les nouveaux traitements fonctionnent, les coûts vont forcément baisser. Il ne faut pas oublier que le cancer, avec le vieillissement de la population, touchera une femme sur trois et un homme sur deux au cours de sa vie. C’est un problème de santé publique majeur. À cet égard, le canton de Vaud est remarquable : il a décidé de prendre en charge une grande partie des traitements innovants liés à l’immunothérapie. Mais jusqu’où aller ? Pour la société, pour les autorités publiques, ce seront des questions éthiques, c’est évident.

Propos recueillis par Pierre-Yves Huguenin