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Ligue vaudoise contre le cancerQui sommes-nous?Notre journal"Le filet social suisse reste insuffisant"

"Le filet social suisse reste insuffisant"

Anita Droz a passé seize années à la Ligue avec la ferme détermination à défendre les intérêts des patients.

Directrice de la Ligue vaudoise contre le cancer depuis dix ans, Anita Droz tire sa révérence. Elle prendra sa retraite à fin juillet. Interview d’une femme dont les convictions sociales ne se sont jamais démenties.

VOUS ALLEZ PRENDRE CONGÉ DE LA LIGUE VAUDOISE CONTRE LE CANCER (LVC) DANS UN PEU PLUS D’UN MOIS. COMMENT APPRÉHENDEZ-VOUS CETTE ÉCHÉANCE?
C’est un saut dans l’inconnu, mais je me réjouis ! Absorbée par mes dossiers, il est difficile de me projeter dans le futur, même s’il est proche. Ce n’est qu’une fois le moment venu que je vais vraiment ouvrir ce nouveau chapitre de ma vie. Je fourmille de projets. Reste maintenant à me décider dans quelle direction je vais partir !

QUELS SONT LES MEILLEURS SOUVENIRS QUE VOUS GARDEREZ DES SEIZE ANNÉES QUE VOUS AVEZ PASSÉES À LA LIGUE, D’ABORD EN TANT QU’ASSISTANTE SOCIALE, PUIS COMME DIRECTRICE ADJOINTE ET, ENFIN, DIRECTRICE ?
Les moments les plus heureux sont ceux où j’ai fait de belles rencontres, que ce soit sous ma casquette d’assistante sociale ou dans mes fonctions dirigeantes. Certains collaborateurs, professionnels de la santé, bénévoles et patients m’ont énormément apporté. Je pourrais multiplier les exemples à l’envi et ne vous raconterai qu’un seul de ces instants inoubliables. Quand je travaillais au CHUV comme assistante sociale, une patiente avait pris la décision de mettre un terme à ses traitements – ainsi qu’aux douleurs qu’ils engendraient – et de rejoindre le service de soins palliatifs, au sein duquel j’étais active. Elle m’a expliqué son choix en me tenant longuement la main. Elle irradiait de sérénité et de simplicité. C’était la première et la dernière fois que je la rencontrais. Je garderai toujours en mémoire ce moment hors du temps.

LE CONTACT AVEC LES PATIENTS VOUS A ENRICHIE. AVEZ-VOUS ÉGALEMENT VÉCU DES MOMENTS INTENSES EN CONDUISANT L’ASSOCIATION ?
Sans aucun doute. Comme directrice, j’étais régulièrement amenée à gérer les legs et successions que nous recevions. Et c’est loin d’être anodin ! Je me rappelle du cas d’une femme qui nous avait légué plus de 200 000 francs à son décès. Quand je suis allée dans son appartement, stupeur : elle vivait avec le strict minimum. Avec les héritages, on entre dans l’intimité des gens, on peut mesurer la générosité de l’humain. D’où cette préoccu- pation permanente au sein de l’association : utiliser l’argent des donateurs à bon escient, peu importe qu’il s’agisse de dix, vingt ou vingt mille francs. C’est une question de respect.

COMMENT A ÉVOLUÉ L’ASSOCIATION AU FIL DES QUINZE DERNIÈRES ANNÉES ?
La LVC s’est professionnalisée, à l’instar de l’ensemble du réseau associatif vaudois. Les liens avec les différents partenaires, notamment les services de soins, sont progressivement devenus plus formels. La Ligue fait désormais partie intégrante du réseau socio-sanitaire du canton. Professionnalisation rime également avec multiplication des savoirs et compétences. De nombreux métiers se côtoient désormais au sein de l’association. La communication, par exemple, a pris un énorme essor. Autre évolution à souligner : le rapprochement entre les différentes ligues cantonales et régionales. Nous échangeons notre savoir-faire sur de nombreux dossiers. Des synergies sont également développées avec la Ligue suisse contre le cancer.

EN MATIÈRE D’AIDE SOCIALE, NOUS SOMMES-NOUS DIRIGÉS VERS UN MIEUX?
Aujourd’hui comme hier, le filet social suisse reste clairement insuffisant. L’assurance pour la couverture du salaire en cas de maladie n’est pas obligatoire pour les employeurs. Je pense également aux familles dont un enfant est atteint de cancer. En Suisse, il n’existe aucun congé d’accompagnement pour les enfants malades. Minimale, la loi fédérale sur le travail prévoit que les parents ont le droit de prendre trois jours pour trouver des solutions de garde. Beaucoup d’entre eux sont donc contraints de réduire, voire d’abandonner leur activité professionnelle pour être auprès de leur enfant. Que la maladie puisse mener à la précarisation me heurte profondément.

POSEZ-VOUS UN REGARD TOUT AUSSI CRITIQUE SUR L’ACCOMPAGNEMENT QUI EST OFFERT AUX PATIENTS ?
La prise en charge intégrée fait désormais partie des priorités des autorités sanitaires et politiques. Je m’en félicite. Les dimensions psychologique et sociale de la maladie ont été clairement identifiées et nous y répondons. Si les personnes atteintes de cancer ont besoin des conseils et du soutien des assistants sociaux de la Ligue, ce n’est pas parce qu’elles sont des cas sociaux ! Le domaine des assurances est vaste et de plus en plus complexe, avec des ramifications très étendues. Beaucoup de gens ne s’en sortent plus dans ce labyrinthe. Ils ne parviennent pas à gérer de front maladie et démarches administratives – et c’est bien normal. La Ligue vaudoise contre le cancer se bat contre une société à deux vitesses.

Propos recueillis par Béatrice Tille